Introduction
En 1874, Stanley, un explorateur britannique, entreprend une mission exploratoire du Congo durant 3 ans pour le compte du Roi Léopold II, suivie d’une phase de conquête.
En 1885, la grande conférence de Berlin à laquelle assistent les délégués de 14 états est organisée dans le but d’effectuer le partage de l’Afrique centrale au profit des nations européennes.
Léopold II considérait déjà, bien avant son accession au trône en 1865, qu’en plein XIXe siècle, la Belgique, alors petit état neutre au milieu de l’Europe, manquait d’envergure et qu’il lui « fallait une colonie ». Le Roi, ambitieux et déjà soucieux d’obtenir des débouchés commerciaux pour son pays, espère élargir, grâce à la colonisation, l’étendue de son règne.
La conférence de Berlin subordonne la reconnaissance d’un état indépendant du Congo et le Roi Léopold II en devient habilement le chef à titre personnel; il pourra ainsi librement réaliser ses vastes projets.
Après de nombreuses missions exploratoires difficiles et des négociations internationales épineuses desquelles le Roi sortira subtilement vainqueur, les frontières définitives de l’état du Congo seront fixées.
A l’époque la Belgique n’a aucune responsabilité dans l’état du Congo, le Roi Léopold II en devient paradoxalement le monarque absolu. Néanmoins, il pourra compter sur la collaboration de nombreux belges pour l’aider dans l’administration de ce grand territoire; un gouvernement central sera d’ailleurs établi à Bruxelles et un gouvernement local à Boma.
En 1889, le Roi fait un testament léguant le Congo à la Belgique mais comme rien n’est simple dans notre pays, ce legs nécessitera une révision de la constitution (!). Après de nombreuses péripéties tant au niveau belge qu’international, finalement les chambres votent la reprise du Congo par la Belgique en 1908 et la colonie est rebaptisée « Congo Belge ».
Mentionnons néanmoins que Léopold II ne mettra jamais les pieds au Congo!
Léopold II mourra en 1909, à la tête d’une nation coloniale et aura fait de la Belgique, en moins de trente ans, l’une des premières puissances mondiales.
L’épopée coloniale de la famille d’Emile Labie, racontée par son fils André….
Mon père est né à Huissignies le 4 janvier 1903 d’une famille d’agriculteurs et de briquetiers. Il était le fils de Camille Joseph, âgé de 22 ans et de Labie Elmire âgée de 25 ans tous deux de Huissignies.
Il choisit les études techniques pour devenir électricien et il rêve avant tout d’aventure et d’horizons lointains.
En 1925, il apprit que l’Union Minière du Haut Katanga (*) recrutait pour ses usines au Congo belge, il présente sa candidature et y est engagé comme électricien.
L’aventure commença en épousant ma mère Mariette Lorphèvre de Huissignies et dès le lendemain de son mariage, il part seul pour l’Angleterre où il embarque sur un bateau anglais à destination de l’Afrique; à cette époque la Compagnie Maritime Belge n’existait pas encore.
Son voyage dura 25 jours, soit 18 jours de bateau et 7 jours de train. On peut s’étonner aujourd’hui de la longueur du voyage mais en réalité, jusqu’en 1931, l’accès par Le Cap était la voie la plus suivie et la plus rapide pour atteindre le Katanga.
A l’Union Minière, où il fut engagé comme « Wattman », il participera au montage de centrales électriques à vapeur qui alimenteront les usines et la ville d’Elisabethville .
Mariette et Emile à la maison paternelle de Camille Labie à la rue des Culots
En 1930, il revient en Belgique en vacances. Afin que le voyage de l’épouse soit payé par l’employeur il fallait avoir travaillé au moins 4 ans au Congo. Après ses vacances, il repart vers l’Afrique, cette fois, accompagné par ma mère.
Ils pourront désormais habiter dans leur nouvelle maison d’Elisabethville, au quartier Lubumbashi avenue du cuivre; ces habitations, construites par l’employeur, se présentaient en blocs de deux maisons avec un grand jardin.
Je vois le jour en décembre 1934 à Elisabethville.
En 1937, retour en Belgique pour 6 mois de vacances.
Les loisirs au Congo étaient partagés entre promenades en vélo, jardinage et natation; la photo et la caméra 8 mm constituaient aussi les passions de mon père.
Pendant la guerre 40-45, pas de retour en Belgique mais plutôt des vacances en Afrique du sud.
Le jour de la libération de Bruxelles à la fin de la guerre, l’usine fut mise à l’arrêt pour fêter l’évènement et mon père en profita pour faire l’entretien de la cabine électrique mais celle-ci explosa et il fut blessé aux mains et au visage et sa convalescence va durer plusieurs mois.
A noter que nos aides familiaux congolais, payés par nos soins, logés et nourris, bénéficiaient aussi de tous les avantages extra légaux auxquels avaient droit le personnel de l’Union Minière comme entre autre, les soins de santé gratuits.
Mon parcours scolaire s’effectua au collège de St François de Sales à Elisabethville, suivi d’études techniques au cours du soir.
En 1946, le retour en Belgique fut spécial; le bateau nommé « Elisabethville » qui nous ramenait au pays avait été transformé pendant la guerre pour le transport de troupes; conséquences, les hommes durent dormir dans des hamacs dans les calles pendant que les femmes purent jouir de grands dortoirs à lits superposés. De l’eau salée alimentait les douches.
Les familles Labie et Lorphèvre venus accueillir « les congolais » à Anvers
Après 2 semaines de voyage, nous voilà à Anvers où nous attend la famille Labie de Huissignies. Pendant ces vacances, mon père en profite pour me faire visiter Ath, Mons, Tournai, ce qui me permet de prendre connaissance des dégats causés par la guerre. Il organisa une séance cinéma à « la Marcotte », pour permettre ainsi aux habitants de Huissignies de visionner les films qu’il avait tournés au Congo.
Après nos 6 mois de vacances en Belgique, retour au Congo mais cette fois en avion DC4, ce qui permit à la famille de passer son baptême de l’air.
De 1947 à 1950, mon père travailla toujours comme « Wattman » à la centrale électrique, parfois en 3 poses et même aussi le WE.
Le commerce local était approvisionné par les fermes de l’Union Minière; la plus importante de celles-ci nommée « Elakat » était gérée par René Derumier, un chièvrois.
Ces fermes, appartenant la plupart du temps à des colons indépendants, étaient implantées sur de vastes territoires déboisés tout proches d’Elisabethville et comportaient d’importantes zones d’élevage de bétail gérées comme des ranchs.
Pour faire les courses, mon père avait acheté une petite Fiat que nous démarrions à la manivelle.
Les soirées se passaient calmement à la maison avec des jeux de société; le soir les habitants profitaient de la fraîcheur pour se promener dans les rues et entamer la conversation avec les voisins.
En 1950, l’Union Minière prend de l’extension, de nouveaux recrutés arrivent, ce qui se traduit par la construction de nouvelles maisons plus modernes; nous déménageons à l’Avenue Limite Sud.
Fin de l’année 1950, retour en Belgique…voyage en avion avec escale d’une semaine à Rome puis en train jusque Bruxelles où nous attend notre nouvelle voiture achetée en transit. Nous surprenons notre famille en nous voyant arriver en voiture à Huissignies.
Les 6 mois de vacance terminés, nous rentrons en bateau afin de ramener la voiture au Congo via Lobito en Angola et de là, nous rentrons au katanga au travers de routes de terre, une véritable péripétie.
Enfin papa changera de fonction, il devient responsable de l’entretien du réseau électrique, ce qui lui permettra de ne plus travailler la nuit.
En 1954, mes parents rentrent en Belgique mais cette fois sans moi car je suis rentré au service militaire à Kamina, où se trouve un important casernement et une des 2 bases aériennes du Congo.
La force publique qui avait un double rôle de force militaire et de police.
En 1957, il sera admis à la retraite et en même temps devenu grand père. Mes parents font bâtir une maison au Quartier des fleurs à Elisabethville car ils espèrent finir leurs jours au Congo.
Mais, arrive 1960, année de l’indépendance du Congo et son cortège de troubles; ils vont être contraints forcés de rentrer en Belgique.
En 1962, ils décident de rentrer au Congo, espèrant que la situation s’améliore. Ils n’ y restent que deux ans car suite à la tentative de « sécession katangaise », la guerre éclate entre le Katanga et l’ONU. La vie devient impossible à Elisabethville, mes parents devront finalement fuir en abandonnant leur maison et leurs biens et y laisseront hélas entre autre leurs films et photos.
Ils reviennent définitivement en Belgique et s’installent à Ath….ainsi se termine l’épopée africaine de mes parents.
Emile Labie décèdera le 30 août 1987 à Ixelles. Il est enterré dans le cimetière de son village natal. Son fils André habite Grivegnée et ses 5 petits enfants, 4 filles et 1 garçon, sont dispersés au travers de la Wallonie.
André continua à travailler au Katanga, à l’Union Minière à Likasi et à Elisabethville jusqu’aux évènements tragiques de Kolwezi en 1978 où ils furent retenus en otage par les rebelles katangais. Le retour en Belgique s’imposa après avoir été délivrés par la légion étrangère du 2ème REP de Calvi et par un bataillon de paras belges et de fantassins zaïrois.
Une famille traditionnelle belge au Congo
D’autres hochniots au Congo……
D’autres jeunes gens de Huissignies suivirent le même parcours qu’Emile Labie au Congo: Jules Devaux et Adolphe Dath, arrière grand père de Pierre Dath partirent au Congo vers 1927.
Jules Devaux était architecte diplômé de l’école St Luc à Tournai. En novembre 1927, il partait travailler à l’usine de Panda (Likasi) pour l’Union Minière en tant que chef de service de la menuiserie. En 1930, les usines de Panda constituaient le groupe industriel le plus important du Congo belge. En 1931, il fut décidé d’appeler la ville de Panda-Likasi Jadotville en l’honneur du gouverneur de la Société Générale de Belgique Jean JADOT. Après son congé en 1931, il est reparti au Congo mais à Kipushi cette fois, engagé pour la COFOKA (une filiale de l’Union Minière) en tant que conducteur de travaux.
Jules DEVAUX est resté jusqu’en 1946 à Kipushi où, en tant qu’architecte, il y était le représentant de la COFOKA. Cette dernière était chargée de la construction et de la gérance des maisons d’habitation des Européens.
De retour en congé en Belgique vers août-septembre 1946, après la guerre, le service médical de l’Union Minière ne l’a plus laissé retourner au Congo car il était cardiaque et faisait aussi de l’hypertension artérielle. Il est mort à Bruxelles le 15/9/1954 d’un arrêt cardiaque.
Après la seconde guerre: Moïse André et son épouse Louise Houx, ainsi que Georges Fauvaux et son épouse Solange Lorphèvre partirent également s’établir au Congo. Ils regagnèrent leur village suite à l’indépendance du Congo en 1960.
Courte et incomplète généalogie de la famille Labie de Huissignies issue de Jules Labie (dit Jules Tisse) né en 1857, décédé en 1945 et de Picron Antoinette née en 1861, décédée en 1927:
- Ils eurent 4 enfants: Camille (1879-1956), Oscar (1883-1963), Georges (1890-1973) et Silva (1899-1973)
- Camille eut 2 enfants: Emile évoqué ci-dessus et Georges (Grand Père de Bernard Ramu né en 1905)
- Oscar eut 1 fils: Alfred (né en 1904), Père de Raymond et Grand Père de Pierre, Michel et Marianne.
- Georges (né en 1904) eut 1 fille: Lucienne, Mère de Charline Crucq
- Silva (1899-1973) eut 3 enfants: Marcel, Père de Abel et Elie. Willy, Père de Jean Marie. Lucia, Mère de Anne Marie, André et Daniel.
Mariette Lorphèvre était née en 1904, fille d’ Emile (né en 1860) et de Dubois Alisia (née en 1872). Elle était Soeur jumelle de Félix (décédé en 1965), ancien boucher à la rue du Pluvinage et d’Emilia grand mère d’Abel et Elie Labie.
Felix Lorphèvre et ses 2 soeurs Mariette et Emilia lors d’un retour de la famille Emile Labie à Anvers
Sources: Collections familiales de la famille Labie de Huissignies (Abel et Martine du Moulin à Vent), André Labie de Grivegnée. Détails de Christine Devaux. Toutes les photos sont d’Emile Labie.
(*) L’Union Minière – dite jusqu’en 1967 Union minière du Haut-Katanga (UMHK) – s’étend sur trois quarts de siècle, soit de sa création en 1906 à sa liquidation en 1981. Ces 75 années peuvent être divisées en deux phases de longueur inégale.
- De 1906 à 1967, la société exploite directement des mines de cuivre (et accessoirement d’autres métaux) au Katanga congolais. Elle compta jusqu’à 8000 salariès européens et même américains. En 1967, ses actifs sont nationalisés au profit de l’État congolais.
- De 1967 à 1981, l’Union minière SA exerce en quelque sorte le rôle d’ingénieur-conseil dans les affaires de la SGM (Société générale des minerais). Celle-ci collabore avec la Gécomin (future Gécamines)à la mise en valeur du patrimoine minier du Katanga. D’autre part, l’Union minière s’efforce d’acquérir un nouveau patrimoine minier direct, de diversifier géographiquement ses exploitations et de coordonner l’ensemble des activités du secteur des non ferreux en Belgique. (Wikepédia)